L’histoire fascinante derrière la découverte du Cap de Bonne-Espérance

James Cook, capitaine britannique né en 1728, n’a pas seulement sillonné les océans : il a changé notre regard sur le monde. Entre 1768 et 1779, trois expéditions l’ont mené jusqu’aux confins du Pacifique, le long de la côte nord-américaine ou sur les rivages sauvages de l’Australie orientale. Là où d’autres imposaient leur loi sans nuance, Cook tenait une ligne plus humaine : il ne recourait à la force contre les peuples autochtones qu’en ultime recours, cherchant autant que possible la voie du dialogue.

Mindi à la recherche de la côte sud

Au cœur de la seconde circumnavigation de Cook, lancée en 1772, un objectif tenace : percer le secret de la « Terre du Sud ». Depuis l’Antiquité, on soupçonnait l’existence d’un vaste continent caché au sud de l’Australie, tapi derrière la ligne polaire. Des théories, mais aucune preuve. Le scientifique russe Mikhaïl Lomonossov, convaincu que l’Antarctique existait, situait même cette terre « recouverte » dans l’extrême sud, quelque part entre le Cap de Bonne-Espérance et le détroit de Magellan. Selon lui, à mesure que l’on descend vers le pôle, la glace s’étend toujours davantage.

L’expédition s’élance le 13 juillet 1772 : deux navires, le Resolution commandé par Cook, et l’Adventure mené par Tobias Furneaux, quittent Plymouth en direction du Cap, en Afrique du Sud. À leur bord, des scientifiques venus élargir nos connaissances sur les mers australes. Leur arrivée au Cap, le 30 octobre, marque un tournant : Anders Sparrman, botaniste suédois passé par la Chine et l’Afrique du Sud, rejoint l’équipage. Trois semaines plus tard, cap au sud, jusqu’aux confins inconnus.

Entre fin novembre et début décembre, Cook consacre une quinzaine de jours à chercher l’île de la Circoncision, découverte partiellement par le Français Jean Baptiste Charles Bouvet. Mais les coordonnées restent incertaines : on pense alors que cette île se situe à des centaines de kilomètres au sud du Cap de Bonne-Espérance, là où, aujourd’hui, l’île Bouvet, une parcelle inhabitée battue par l’océan, porte toujours ce nom. L’île reste introuvable : Cook décide de poursuivre sa route, toujours plus au sud.

Parcourir la ligne polaire du déjeuner

Les dangers du Grand Sud frappent vite. Le 11 décembre 1772, les hommes du Resolution croient apercevoir une terre massive : ce n’est, hélas, qu’un gigantesque iceberg. Mais le 17 janvier 1773, un cap est franchi dans l’histoire : les navires de Cook coupent la ligne du cercle polaire antarctique. Le Resolution devient même, ce même jour, le premier navire à s’aventurer aussi loin au sud. Au-delà de cette ligne invisible, le jour et la nuit se figent, alternant polaires, tandis que seule l’Antarctique brise cette immensité glacée. Son équivalent dans l’hémisphère nord : le cercle polaire arctique.

Plusieurs îles émergent alors sur les cartes, mais la masse tant espérée de l’Antarctique se dérobe toujours. Le brouillard et les tempêtes frappent. En février, les deux navires se perdent de vue. Cook tente, en vain, de retrouver l’Adventure pendant trois jours. Pourtant, dès le début, un plan avait été prévu : en cas de séparation, rendez-vous dans le détroit de la reine Charlotte, en Nouvelle-Zélande. C’est ce qui se produira : en mai 1773, les deux équipages se retrouvent, éprouvés mais déterminés.

La suite du voyage les mène plus à l’ouest, mais la banquise est un mur infranchissable. Cook finit par conclure que la côte sud n’existe pas. Une erreur, certes, mais le voyage n’a pas été vain. Plusieurs îles inconnues rejoignent les cartes : la Nouvelle-Calédonie, les Sandwich, la Géorgie du Sud, Norfolk. Cook démontre aussi que la Nouvelle-Zélande n’est pas reliée à l’Antarctique, mais forme un archipel distinct, une unité géologique séparée du continent le plus proche. Ses observations et rapports serviront de base à de nombreuses expéditions ultérieures.

Pour Cook, l’absence de grandes terres dans les latitudes australes rendait inutile toute nouvelle exploration. Il pensait même que l’Antarctique, si elle existait, resterait inaccessible, piégée par la glace. À l’époque, on considérait d’ailleurs cette contrée comme une terre sans avenir : ni colonisation, ni intérêt scientifique. Il faudra attendre 1820, près d’un demi-siècle plus tard, pour que le continent soit enfin aperçu, même si de nombreuses expéditions s’en étaient déjà approchées au XIXe siècle.

L’Antarctique a-t-il été vu auparavant ?

Certains récits avancent que la première traversée du cercle polaire sud remonterait à la fin du XVIe siècle : le marin néerlandais Dirck Gerritszoon Pomp, en 1599, aurait été déporté vers le sud du détroit de Magellan lors d’une tempête. Son navire, le Blijde Boodschap, franchit alors la ligne polaire. Quand les éléments se calment, l’équipage aperçoit une côte inconnue, blanche de neige. Gerritszoon pense toucher la mystérieuse côte sud, mais le manque de vivres et de médicaments, ainsi que la crainte d’un nouvel orage, le poussent à rebrousser chemin. L’urgence de préserver la vie de ses hommes l’emporte sur la tentation de l’exploit scientifique.

Un autre navigateur, l’Espagnol Gabriel de Castilla, se retrouve aussi, en 1603, pris dans une tempête dans le détroit de Magellan. Peut-être a-t-il lui aussi franchi la ligne polaire sud ; peut-être a-t-il aperçu la côte mythique. Mais comme pour le Néerlandais, aucune preuve formelle n’étaye ces récits. Il est même probable que les deux hommes aient pris d’immenses icebergs pour des terres émergées, confondant l’imaginaire et le réel au bout du monde.

Un demi-siècle plus tard, l’Antarctique sera enfin repérée. Mais la quête du sud, avec ses espoirs, ses errements et ses découvertes, aura déjà posé les jalons d’une aventure humaine hors normes. L’histoire continue, à la frontière du connu.